Actualités 2020
Macron et la "dégradation" du langage. Par Roland Gori
Vendredi, 3 Janvier, 2020
Quand le psychanalyste Roland Gori déconstruit le progrès... et la collapsologie
Dans son dernier essai, Et si l’effondrement avait déjà eu lieu ? (Les liens qui libèrent, 2020), le psychanalyste Roland Gori développe l'idée que le discours de l’effondrement relève de la croyance et oublie les fondamentaux de l’esprit critique qui ont mené aux progrès sociaux.
Initiateur en 2018 de L’Appel des appels, lancé pour « résister à la destruction volontaire et systématique de tout ce qui tisse le lien social », infatigable pourfendeur des normes néolibérales, du new public management et de sa passion pour l’évaluation qui ne mesure jamais l’essentiel, Roland Gori est ce qu’on pourrait appeler un allié authentique du progrès social (au sens de progrès pour toutes et tous, à distinguer du « progressisme » visant à faire avancer des revendications particulières).
À ce titre, les réserves que le psychanalyste exprime, dans son nouvel essai, contre la collapsologie ne s’inscrivent en rien dans une veine techno-solutionniste à la Laurent Alexandre et consorts, lesquels reçoivent d'ailleurs au passage quelques critiques acerbes de sa part. Non, Roland Gori veut plutôt nous secouer et nous montrer qu’un discours reposant sur de la croyance, de la spiritualité et une absence d’esprit critique n’est pas le chemin à suivre.
« L’étrange défaite de nos croyances »
L’auteur ne mésestime en rien la catastrophe climatique, au contraire. À la base de sa démonstration, il cite le documentaire fiction réalisé par Myriam Tonelotto (diffusion prévue en 2021), au titre - et surtout au sous-titre - explicite : An Zéro. Un accident nucléaire majeur. La question n’est pas de savoir si cela se produira, mais quand cela se produira. Ce projet transmédia se penche sur la faiblesse des réponses politiques face à l’ampleur de catastrophes naturelles ou industrielles à même de ravager des régions entières, et le déni des gouvernements successifs face à cette situation.
Détail de l'affiche du documentaire fiction An Zéro
Ce film s’ouvre sur la centrale nucléaire de Cattenom (Moselle), aux portes du Luxembourg. Si jamais un incendie devait se déclarer dans l’un des réacteurs de cette centrale, c'est tout le système économique qui pourrait s’effondrer, les banques centrales ne pouvant soutenir la France dans la couverture des risques liés à une catastrophe d’une telle ampleur. Un seul réacteur (mais mal placé) suffirait donc pour menacer toute l’Union européenne. Car l’atome ne connaît pas les frontières administratives et que, dans un tel scénario, l’incendie impliquerait d’évacuer 600 000 Luxembourgeois, autant de frontaliers refoulés, et plusieurs milliers de contaminés et d’irradiés. Les modélisations du risque par les experts luxembourgeois (qui ne voulaient pas de la centrale) avancent une indemnisation potentielle par la France de 100% de son PIB en cas d'accident nucléaire majeur, de quoi entraîner un effondrement de l’euro et le décrochage des bourses mondiales.
La question n’est pas de savoir si un effondrement peut avoir lieu, mais plutôt de quel effondrement parlons-nous ?
À travers cet exemple, Roland Gori souligne l’hyperfragilité d’un modèle de développement qu'on croit encore robuste : ça n’est pas parce que des accidents nucléaires ou des marées noires, par le passé, n’ont pas ravagé l’économie mondiale, qu’une nouvelle catastrophe de ce type ne pourrait pas le faire. Selon le psychanalyste, la question n’est donc pas de savoir si un effondrement peut avoir lieu, mais plutôt de quel effondrement parlons-nous ?
Et c’est là où le sous-titre du livre prend tout son sens : « L’étrange défaite de nos croyances » est un clin d’œil à L’étrange défaite de l’historien Marc Bloch, livre paru en 1940. Officier pendant la seconde guerre mondiale, Bloch ne décolérait pas contre la responsabilité partagée du commandement et du renseignement en amont du conflit, et contre le manque de concertation qui a poussé la France à capituler alors qu’elle pouvait encore combattre les nazis. Le livre ne cède pas à la tentation du point Godwin mais décortique plutôt notre abandon de l’idéal de progrès pour toutes et tous, et le fait que nous acceptons le joug progressiste qui réduit au strict minimum l’État social, comme si l'on attendait la libération de cet asservissement par l’effondrement...
Roland Gori montre de façon très convaincante que le renoncement à l'idéal de progrès n’est pas un projet de société
Roland Gori montre de façon très convaincante que le renoncement à un idéal n’est pas un projet de société et que nous devons retisser les contours d’un progrès social et écologique fort. Plus manuel de lutte contre un quotidien étouffant que manifeste politique, son essai permet de retrouver confiance dans l’existence d’un « après » vraiment différent de l’avant - ce qui n’est pas rien.
Écrit avant la pandémie de Covid-19, le livre a été mis sous presse pendant le confinement, avec quelques notes et actualisations de l’auteur qui renforcent ses analyses : entre le sous-investissement dans l’hôpital public et la croyance dans l’agilité managériale, la gestion de crise sanitaire vient rappeler que l’effondrement d’une certaine idée du progrès a déjà eu lieu.
Retrouver « l'esprit de Philadelphie »
Jamais pédant, toujours soucieux de partager le savoir, Roland Gori parsème son propos de citations éclairantes. À propos de la marchandisation de biens communs comme la santé : « La concurrence tend au meilleur marché plus qu’à la meilleure qualité » (Paul Valéry, Les Fruits amers de la démocratie). À propos de la propagande progressiste qui invente des découpages historiques artificiels pour raconter un progrès historique linéaire : « On reconnaît dans ce discours cette grande rhétorique de la séparation des temps qui, du même mouvement, invente les deux périodes qu’elle écarte : Moyen Âge et Renaissance » (l’historien Patrick Boucheron). Ou encore, à propos d’un possible effondrement (à l’époque à cause de la répression politique) : « Les questions de ce qui périra ou subsistera dans nos sociétés sont insolubles. Ce que nous savons d’avance, c’est que la vie sera d’autant moins inhumaine que la capacité individuelle de penser et d’agir sera plus grande » (la philosophe Simone Weil).
Cet essai est un vade-mecum pour temps troubles, précieux pour déconstruire le mythe du progrès et ne pas souffrir de « solastalgie »
Autant de figures de la pensée que Roland Gori sollicite ici comme il sèmerait des cailloux pour permettre de retrouver le chemin de « l’esprit de Philadelphie » (référence à la déclaration de l’Organisation internationale du travail en 1944, ndlr), celui de la croyance en des lendemains radieux. On pourrait ajouter à cette liste Donald Winnicott ou Theodor W. Adorno mais, vous l’aurez compris, cet essai est un vade-mecum pour temps troubles, précieux pour déconstruire le mythe du progrès et ne pas souffrir de « solastalgie » - ce « sentiment de désolation causé par la dévastation de son habitat » selon son concepteur, le philosophe australien Glenn Albrechts – dans lequel Roland Gori voit une forme de « syndrome pré-traumatique ». On ressort de cette érudite et foisonnante pérégrination intellectuelle avec l’envie de croire que le catastrophisme éclairé n’est, en définitive, peut-être pas un horizon si sombre.
Les exilés de l'intime
- Roland Gori -
- Marie-José Del Volgo -
Poche + : parce qu’un livre n’est jamais clos, mais toujours dans le
mouvement du monde, Les exilés de l'intime sera précédé d’une nouvelle préface inédite des auteurs.
La liberté du patient semble aujourd'hui une priorité pour les médecins et les psychiatres. Et pourtant, au nom de l'expertise scientifique et de la gestion rationnelle de la vie quotidienne, jamais on n'a soumis l'individu à autant de contrôles, jamais on n'a gardé autant de traces et d'archives des comportements privés, jamais les pratiques médicales n'ont à un tel point perdu le souci du malade.
La notion de « santé mentale » véhicule désormais un nouvel état d'esprit, visant à réduire les « anomalies » du comportement dès le plus jeune âge, puis à quadriller les populations en croisant les nouvelles données neurobiologiques, économiques et génétiques. D'où vient ce modèle de société qui s'installe sournoisement sous nos yeux ? Roland Gori et Marie-José Del Volgo éclairent de nombreux dossiers de la médecine contemporaine : depuis la nouvelle gestion des hôpitaux jusqu'à la diffusion massive du
Viagra, en passant par les simulacres actuels de l'information et du consentement. Et montrent la nouvelle alliance de la médecine et de l'économie, en train de construire un homme « neuroéconomique ».
Sortie : 03 juin 2020
Visio-conférence de Roland Gori
RENCONTRES et DÉBATS AUTREMENT organise :
VISIO-CONFÉRENCE-DÉBAT Vendredi 19 juin, 18H
avec Roland GORI à propos de son dernier livre :
ET SI L’EFFONDREMENT AVAIT DÉJÀ EU LIEU
LLL Les Liens qui Libèrent, paru le 3 juin 2020
INSCRIPTION :
http://rencontres-et-debats-autrement.org/index.php?page=contact-inscription
Roland Gori est psychanalyste, professeur honoraire de psychopathologie à Aix-Marseille-Université et Président de l’Association Appel des Appels. Il a publié une vingtaine d’ouvrages dont les derniers parus : La nudité du pouvoir_Comprendre le moment Macron, La Dignité de penser, L’Individu Ingouvernable, Faut-il renoncer à la liberté pour être heureux ?, Un Monde sans Esprit et La Fabrique des imposteurs.
http://rencontres-et-debats-autrement.org/index.php?page=roland-gori
A PROPOS DU LIVRE
Les croyances, les catégories de jugement et les manières de penser le monde et l’humain qui ont fondé et inspiré les sociétés thermo-industrielles se sont effondrées. Nous sommes pris sous les décombres de cet effondrement. Comme en attestent nos malheurs actuels, – pandémie, crise climatique, crises sociale et psychique -, symptôme de notre impréparation culturelle, sociale et civilisationnelle. Notre sol s’est dérobé, nos fondations s’effondrent, comment alors penser l’avenir ?
Convoquant la psychanalyse et les philosophes de l’histoire – Walter Benjamin, Hannah Ahrendt – La Banalité du Mal – Johann Chapoutot - Roland GORI met en garde contre la pensée technocrate et une vison mécaniste et accumulative de l’histoire, tout en rappelant que le présent ouvre d’infinies possibilités de renouvellement.
« Aujourd’hui une « âme numérique » agite les corps … pour mieux la broyer à l’aune de l’utilité. Dans ce grand naufrage de notre civilisation humaine...la crise écologique reflète en miroir la déshumanisation » (p. 259)
Extrait d’un texte de ROLAND GORI
22 mai 2020
« Cet ouvrage (1) a été terminé au moment où l’épidémie de coronavirus s’installait en France, produisant une grande inquiétude dans la population au risque de désorganiser l’économie et de précipiter une crise sociale et politique. Une fois encore dans l’histoire humaine le « sol » semble se dérober sous nos pieds et donne raison aux partisans de la collapsologie et autres prophètes de l’Apocalypse. L’état d’impréparation de nos gouvernements a mis en évidence le poids et la faillite des Agences diverses et variées de la bureaucratie néolibérale. Les politiques néolibérales qui avaient mis à mal les services publics par les dogmes affirmés de la mondialisation, les figures anthropologiques d’un homme économique, les priorités de la lutte pour la compétitivité, les exigences d’austérité… se dévoilent aujourd’hui dans leurs impostures. Libérés des tutelles gestionnaires, les soignants que la communication gouvernementale a voulu faire passer pour des « héros », après les avoir matraqués lors de leurs manifestations pour la sauvegarde de l’hôpital, ont magnifiquement exercé leurs métiers.... A partir de cette crise sanitaire et sociale ce qui paraissait impossible hier encore, en matière de protection des humains, pourrait se mettre en place. La catastrophe l’exige, l’opinion y consent. Nous pourrions espérer qu’à la panique de la pandémie et de ses conséquences sociales succède la sagesse des effets des deuils et de la perte. C’est ce à quoi invite cet ouvrage face à la faillite d’un productivisme débridé et mondialisé illuminé des lueurs d’un astre mort, celui des illusions et des croyances du XIXe siècle que nous avons reçues en héritage.
C’est la thèse de l’ouvrage : nos craintes d’effondrement sont à prendre au sérieux, moins comme catastrophes à venir, qu’en tant que symptômes d’un événement qui a déjà eu lieu. Nos malheurs actuels, - pandémies, crises climatiques, crises sociales et économiques, crises politiques et culturelles -, ne sont que les symptômes de cet effondrement qui a déjà eu lieu dans l’ordre symbolique, celui des catégories de jugement et des manières de penser le monde et l’humain inspirées des principes fondateurs de nos sociétés industrielles. Ces catastrophes surgissant dans notre actualité, probables dans notre futur ne sont et ne seront désastreuses que du fait de notre impréparation à les accueillir et à les traiter. Cette impréparation provient d’une culture de la modernité prise par la discordance des temps, fixée au piquet de l’instant, oublieuse du passé et déjà prisonnière d’une conception du futur placée sous le signe des progrès techniques.…… »
Frédéric Pierru a tenu a revenir sur l'importance du dernier livre du psychanalyste Roland Gori, "Et si l'effondrement avait déjà eu lieu", chroniqué dans nos pages. Celui-ci nous invite à regarder "l’effondrement de nos catégories de pensée et de notre rapport au temps, du lien entre passé, présent et futur."
Et si l'effondrement avait déjà eu lieu (60 mn) le 21 juin 2020 [ Specials ]
Un entretien avec l'auteur du livre éponyme, le psychanalyste Roland Gori, pour qui "les croyances, les catégories de jugement et les manières de penser le monde et l’humain qui ont fondé et inspiré les sociétés thermo-industrielles se sont effondrées". Il est temps donc de se libérer des catégories de pensée issues d'une époque révolue pour mieux assurer le futur. Or, estime notre interlocuteur, "nous avons plus que jamais besoin de l’histoire, de la philosophie et de la psychanalyse pour nous délivrer de ce passé qui est moins trace qu’actualité d’une histoire méconnue. Il nous faut sans attendre inventer une nouvelle forme d’utopie fabriquée avec l’étoffe de nos rêves, pensée moins comme le projet d’un avenir meilleur sans cesse repoussé aux calendes grecques que comme l’originalité à saisir à tout moment pour inventer un futur inédit." 45'
Effondrement : quelle place ont les acteurs du numérique dans le progrès social et écologique ?
À travers ce podcast, le psychanalyste émérite Roland Gori vous explique comment la technologie doit être humanisée pour faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain.
La collapsologie est de plus en plus évoquée dans les médias. La crise sanitaire, environnementale et économique que nous traversons présage, pour certains, un effondrement de notre société. Quel est le rôle des nouvelles technologies et du numérique dans cette tendance ? Nous aident-elles à construire un monde meilleur ou empirent-elles les problèmes sociétaux profonds que nous vivons ? Le psychanalyste Roland Gori, auteur de l’essai Et si l’effondrement avait déjà eu lieu ? (Les liens qui libèrent), nous a apporté des éléments de réponse.
Effondrement : quelle place ont les acteurs du numérique dans le progrès social et écologique ?
À travers ce podcast, le psychanalyste émérite Roland Gori vous explique comment la technologie doit être humanisée pour faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain.
Appel des appels
De la société de l’imposture au courage de la véritéau temps du Covid 19
Nous avons eu la peste, la peste moderne, ce Covid-19 provoqué par le SARS-Cov-2dont on espéra un temps, un temps seulement, que parti d’Asie il y retourne sans trop de pertes et de fracas. On avait oublié que cette «tempête parfaite» (Philippe Sansonetti) s’était fait précéder dès2002-2003 du SRAS causé par le SARS-Cov, le MERS-CoV en 2012, de la Grippe H1N1 en 2009,et quelques temps avant encore en 1968 de la Grippe de Hong Kong, sans compter la longue liste des maladies infectieuses des pays dont on ne compte les morts que lorsqu’ils nous contaminent,VIH, Ebola, maladie du légionnaire, tuberculose résistante... Nous avons eu la peste et nous nous sommes empressés d’oublier que nous l’avons toujours. Pourtant, nous avons toujours su que lepropre d’une épidémie est d’être endogène (Patrick Zylberman), pourtant nous avons toujours su que nombre de civilisations s’étaient effondrées par l’action conjointe de chocs environnementaux,climatiques ou épidémiques et par l’état d’impréparation des sociétés qui les subissaient. Nous avons voulu croire que le chapitre des maladies infectieuses était définitivement clos par les chimiothérapies et autres molécules formidables de notre modernité. Le monde n’est pas l’Afrique et les pays riches se pensaient à l’abri, derrière leur nouvelle ligne Maginot, celle d’une mondialisation heureuse et dynamique, prompte à l’expansion économique dans les territoires le plus reculés de la planète. Les Etats s’étaient convertis à cette doxa néolibérale, imposant à «leurs services publics des sévices privés» (Johann Chapoutot et Frederic Velut). Nous le savions et nous ne l’avons pas cru comme je l’ai développé dans mon dernier ouvrage. La pandémie du Covid-19 amis au jour ce déni collectif en révélant nos points de fragilité et la démolition des dispositifs desoin chargés de les traiter. C’est de cette imposture-là dont il sera question. Face à cette imposture anthropologique pouvons-nous compter sur les sciences ou le journalisme ou les politiques pour avoir le courage de la vérité, la vérité de dire le retour des épidémies, la défaite des gouvernants,l’ignorance des savants et l’opportunisme des médias? Tel sera le fil conducteur de nos séances au cours de ce cycle. Ce fil conducteur, nous pourrions en exhumer la douloureuse portée par cette formulation: «dans une société du spectacle le vrai est un moment du faux». Des mensonges d’Etat à la cacophonie des «experts» du spectacle, en passant par l’exemplaire éthique des «premiers de corvée», il nous faudra rappeler, àla manière d’Albert Camus, que pour lutter contre la «peste» rien ne vaut l’honnêteté»: «pour rien au monde je ne voudrais vous détourner de ce que vous allez faire, qui me parait juste et bon.Mais il faut cependant que je vous le dise: il ne s’agit pas d’héroïsme dans tout cela. Il s’agit d’honnêteté. C’est une idée qui peut faire rire, mais la seule façon de lutter contre la peste, c’est l’honnêteté. [...] Je ne sais pas ce qu’elle est en général. Mais dans mon cas, je sais qu’elle consiste à faire mon métier. » Roland Gori, Marseille le 2 octobre 2020
LES DEUX PREMIÈRES SÉANCES AURONT POUR THÈME: Journalisme, politiques et scientifiques à l’épreuve du Covid 19Avec la pandémie de covid 19, les media informent les citoyens en continu, pas un jour depuis mars 2020 sans nouvelles du virus et de tout ce qu’il produit du point de vue sanitaire,social et économique. Il est devenu notre compagnon de malheurs. Le virus est devenu organisateur social. Les hôpitaux exsangues résistent au prix, ne l’oublions pas, du quasi arrêt de toutes les autres activités médicales et de soin en général, et cela en «maltraitant» un personnel épuisé par les logiques austéritaires des manageurs. Une nouvelle manière de travailler, le télétravail, s’est étendue comme jamais, tout comme les réunions virtuelles venues pallier à la distanciation physique, confinement oblige. L’homme numérique n’est plus pour demain, il est parmi nous. La lumière ne va pas sans l’ombre, celle de l’ignorance et des erreurs, mais aussi celle des mensonges d’Etat, par exemple sur les masques et les tests ou encore sur «le tout est prêt» de l’institution scolaire répété en boucle comme un mantra dans la sphère médiatique aussi bien à la veille des phases de confinement et de dé-confinement qu’à celle de la rentrée de septembre.Jamais une parole d’autorité ne s’était montrée aussi peu crédible, les sondages d’opinion l’attestent, la panique et l’inquiétude deviennent le lot de consolation de populations déboussolées prêtes à se jeter sur la première molécule venue, dans les bras du premier gourou diplômé ou à suivre le premier poujadiste quérulent expliquant doctement l’inutilité du port du masque ou suggérant que la première vague de Covid-19 n’a pas existé ou qu’elle est une fake news des Chinois, de Poutine ou de Trump, voire du Mossad. Face à ces spectacles affligeants où la parole publique se discrédite, où les «experts» se contemplent eux-mêmes dans leurs querelles de pure prestance, où les médias déversent sans retenue un flot d’informations sans autre garantie que l’effet d’audimat qu’elle produit, le peuple désespère. Un peuple qui désespère est plus dangereux qu’un peuple en colère, il cherche un maitre, n’importe lequel pourvu qu’il lui montre la lune. Or,nos gouvernants regardent le doigt. Heureusement, il reste l’espoir né de l’exigeante éthique des métiers. L’Appel des appels a défendu cette éthique des métiers. Nous l’avons réclamée,protégée, au moment où les manageurs tentaient de la détruire. Cette liberté, «pouvoir d’agir»,nous la réclamions à cor et à cri. Le Covid-19 nous l’a, un temps, restitué, au prix de l’angoisse et de la souffrance. Mais en revenant bien vite et à nouveau nous la confisquer, nous la défendrons encore et encore. L’autonomie des métiers a aussi son poids de chair, sa dette sociale et éthique. Elle exige de l’honnêteté, nous l’avons dit. Donc, elle suppose que nous rappelions les principes cardinaux de cette honnêteté qu’Albert Camus réclamait pour le journalisme: la lucidité, l’ironie, le refus et l’obstination. Ces vertus suppose une capacité de résistance aux enchainements de la haine et de la fatalité que seules des conditions sociales nouvelles pourraient garantir. Sans avoir la prétention de parvenir à les mettre en œuvre dans nos métiers, nous voudrions en faire notre boussole, à distance de l’audimat et des profits immédiats, des habits chamarrés des pouvoirs et des savoirs, des fausses promesses et des menaces plus infantilisantes les unes que les autres, en citoyens libres et responsables nous voudrions débattre sereinement du diagnostic du présent et des perspectives d’avenir. La vérité nous importe et nous nous proposons d’aborder démocratiquement les questions de société, du vivre ensemble, posées par ce virus avec lequel nous cohabiterons peut-être longtemps encore. Celui-là ou un autre, la crise climatique se révélant une fantastique fabriquede microbes par temps d’expansion territoriale et économique.
Organisation du débat du 14 novembre Le débat aura lieu de 15h30 à 18h, par zoom.
Voici le lien: https://us02web.zoom.us/j89084992720pwd=YWJCOSsyRWg0MWNMZ3hrR0tkdjRmUT09
Attention: pour des raisons techniques, seules 100 personnes pourront se connecter en même temps. Intervenants: Bruno Chaudret, Chimiste, Directeur de recherche au CNRS et ancien Président du Conseil Scientifique Jean-Michel Claverie, Professeur de médecine à l’Université Aix-Marseille, Directeur de l’Institut de Microbiologie de la Méditerranée et du laboratoire Information Génomique et Structurale Roland Gori, Psychanalyste, Professeur émérite de psychopathologie clinique et de psychanalyse à l’Université Aix-Marseille, Président de l’Appel des appels Sylvestre Huet, Historien, Journaliste scientifique à LibérationCharles Sylvestre, Journaliste, ancien Rédacteur en chef de l’Humanité et vice-président des Amis de l'HumanitéCatherine Vidal, Neurobiologiste, Directrice de recherche honoraire à l’Institut Pasteur, membre du comité d'Ethique de l'Inserm Modérateurs: Sébastien Firpi et Fabrice Leroy
Il est urgent de relire Marc Bloch : «Le proche passé est, pour l’homme moyen, un commode écran : il lui cache les lointains de l’histoire et leurs tragiques possibilités de renouvellement.»